Je m’appelle Stak. J’ai fait ma première pièce avec Colorz à la fin des année 80 en banlieue parisienne. Jusqu’en 1995 j’ai peint aux cotés des P2B et des VAD.
A partir de 1995, j’ai complètement arrêté de faire des graffiti d’une manière classique, c’est à cette époque que j’ai peint mes premiers logos, et c’est aussi durant cette même période que j’ai utilisé pour la première fois des « block texte ». Par la suite, j’ai continué a développer des travaux très différents dans l’espace urbain, d’avantage axés sur le logo, ou le « motif comme nom ». Aujourd’hui, je réutilise l’écriture dans mes différentes interventions. Il s’agit de textes ou de mots, que j’associe à d’autres éléments afin d’établir de nouveaux niveaux de lecture.






















De tes premiers lettrages saillants composés de « piques », tu es passé à une forme noire très identifiable reprenant un peu les caractéristiques esthétiques de tes premiers graffiti. Tu es passé ensuite à cette série de slogans "I'm a pleb baby !", "Most loved, Most hated", "Hardder dan Hâkku"... Sais-tu déjà quelle est la prochaine direction que tu souhaites prendre, ou penses-tu approfondir ton travail avec ces slogans ?

Oula, c’est un raccourci un peu rapide que tu as pris, je trouve !!
De 1988 a 1995, j’ai peint d’une manière plutôt « classique ».
A partir de 1995, je suis passé a quelque chose de différent, j’en avais marre de peindre d’une manière « traditionnelle », ça me prenait du temps et cela ne me faisait plus vraiment marrer. Pour resituer le contexte, il est vrai que mes premiers lettrages étaient surprenants pour l’époque.
Je faisais parti d’un groupe (les P2B), pas vraiment axés sur le style New Yorkais. Le hip hop et tous ces trucs nous dépassaient un peu. L’esprit était punk, pas hip hop, et nos graffiti respiraient cela. Et puis à l’époque c’était plutôt fendard de faire des graffiti d’une manière différente, à contre courant. J’ai adoré cette période lorsque tout le monde dégueulait sur notre style, (des mecs plutôt connus avec même dit de nous, que nous avions « tué le graffiti à Paris »… !!). Lorsque tous les mecs se sont mis a faire la même chose, il était enfin temps de passer a autre chose. C’est a cette période, aux alentours de 1995 que j’ai développé mes premiers logos, calqués sur mes derniers lettrages. J’allais dans des endroits abandonnés, et je peignais dans ces lieux, pas vraiment dans le but de détruire mais plus dans une optique « d’embellissement ». Je travaillais avec l’espace et par rapport à l’espace. C’est un peu plus tard que j’ai fais l’un de mes premiers block texte « Working With ». Ensuite entre 1996 et 1998, je n’ai fais que des pièces calquées sur ce logo que j’avais inventé. Je ne faisait que cela parce qu’il n’y avait que cela qui m’intéressait.
En 1998, lorsqu’il y a eut les premières campagnes contre le graffiti a Paris, avec Hnt & So.6, nous avons commencé a faire des pièces dans la rue. Avec tous les graffiti effacés, et avec nos logos super identifiables, ce fut une période pendant laquelle nous avons eut une visibilité maximale. Et puis, petit à petit, je me rendais compte que je m’enfermais dans les logos, alors que j’avais des choses a dire. Ne faire que des logos ne m’apportaient plus rien. C’est à ce moment que je me suis mis a utiliser d’avantage le texte. A chaque période, j’utilisais un slogan, en rapport direct avec ce que je vivais, ou en rapport direct avec ce que j’avais envie de dire. Chacun de mes textes possède une histoire. En ce moment, chaque pièce fait directement référence à la population la plus working class , et « I ‘m a pleb baby. » est en quelque sorte le texte référence. Tu sais, tout mon travail tourne autour d’une espèce de « réhabilitation des éléments déconsidérés appartenant à la ville ». En réalité, ce qui m’interresse aujourd’hui, c’est de prendre les éléments populaires les plus connotés et de les disposer dans un contexte différent afin d’en changer l’image. Pour cela j’utilise tous les moyens possibles : la vidéo, le néon, la photographie, et bien sur le texte et le langage. En ce qui concerne la direction que prend mon travail, je te dirais que je suis aujourd’hui assez tenté de faire des motifs, parce qu’ils me permettent de développer mon travail d’une manière différente…et puis pour le futur, qui sait ?

As-tu une influence consciente pour ces slogans, la pub, d’autres artistes ? Le choix de la police Impact est-elle un peu le fruit du hasard, ou est-ce un choix délibéré ?

En effet j’ai des influences, et je sais d’ou elles viennent. J’aime les artistes qui travaillent avec le langage, les artistes du minimal ou du conceptuel. J’aime aussi ceux qui ont la capacité d’utiliser très peu d’éléments dans leurs travaux. Je n’aime pas la décoration. En même temps, d’autres univers nourrissent mon travail : la pub ou la mode par exemple… En ce qui concerne la typo Impact, il s’agit d’un choix complètement délibéré. « Impact » est la typo anti décorative par excellence, elle est massive, neutre et je dois avouer que j’aime son esthétique « bourrin ». C’est exactement ce que je cherche a exprimer dans mes travaux :et puis j’aime quand l ‘ensemble d’un boulot est pur, sans chichi ni déco.

Tu exposes du 19 septembre au 15 octobre à Bagnolet (Galerie Kitchen93 & à L'Annexe93). Peux tu nous donner un avant goût de ce que l'on pourra y trouver. Etre dans une galerie signifie t-il que tu dois vendre des pièces et que ton support habituel le mur n’est plus trop adapté ?

Comme à mon habitude, je travaillerais directement sur les murs des deux espaces. Je présenterais des nouvelles pièces et puis d’autres plus anciennes. Je n’ai pas envie de te donner plus de détail, mais, en plus de « block texte » habituels, il y aura aussi du « motif », ce qui est assez nouveau pour moi. Je présenterais aussi 2 vidéos, dont une réalisée spécialement pour l’exposition…Le fait de travailler dans une galerie, n’est pas forcement pour moi synonyme de vente. Cela me permet juste de toucher un public différent et d’être peut être enfin pris au sérieux. Je n’ai aucun travail d’atelier, les seuls éléments qui seraient susceptibles de me faire gagner de l’argent seraient des pièces que j’ai faites fabriquer (comme les néons par exemple) ou les dessins préparatoires de mes interventions. La galerie pour moi n’est pas forcement un lieu de business (c’est peut être le détail qui me différencie de la majorité des street artists) : je ne suis pas prêt a tout pour du blé. L’espace de la galerie, me permet simplement de pouvoir développer librement un travail qui s’inscrit dans l’art contemporain et de le confronter a un public aguerri. J’ai une envie de reconnaissance pour ma génération, et cela passe forcement par la galerie. Je ne suis pas contre le fait de gagner de l’argent avec son art, mais je suis contre le fait de faire du fric a tout prix. Ma position est très simple : customiser une paire de Nike pour moi ce n’est pas de l’art, c’est juste du business racoleur. Je n’ai pas envie de cela.

J’ai l’impression que c’est important pour toi d’être considéré comme un « vrai artiste » et non plus comme un graffeur ou pire un graphiste. Je me trompe ?

Je m’en tape d’être considéré comme un « vrai artiste », j’ai simplement envie d’être pris au sérieux. Je suis un artiste travaillant dans des domaines liés au graffiti. Pourquoi m’appeler « graffeur » alors que je peint un mur tous les deux mois ou « graphiste » alors que je ne travaille pour aucune marque et que je suis mon seul patron. Le terme « artiste » me convient le mieux en effet. Il s’agit aussi mon job a plein temps : je ne fais que ça et je n’ai envie de faire que cela.


Tu as été le créateur et le rédacteur en chef de WorldSigns. Vous avez sorti 5 numéros très remarqués. Et puis l’aventure a pris fin. Etait-ce plus en raison de divergences sur la ligne éditoriale que pour des raisons économiques ?

WorldSigns était mon espace artistique, ma galerie. Une plate-forme qui me permettait de présenter les artistes que j’avais envie de soutenir. Ce fut une super aventure. Mais je commençais a en avoir un peu marre d’être seulement considéré comme journaliste, mécène ou expert en relations publiques. Ouais, plein d’évènements m’ont donner l’envie d’arrêter. Mais surtout je voulais m’occuper de mon propre travail. De m’occuper de ma pomme, ce que je fais maintenant.

En même temps que l’expo, un livre qui t’es consacré est publié. Que va t-on y trouver ? Tes derniers travaux, ou également des choses plus anciennes et plus graffiti ?

Olivier Stak, Selected works, est une sélection sur 64 pages, de mes pièces les plus importantes de 1988 a 2004, celles qui sont le plus représentatif de mon travail. N’hésite pas a l’acheter, ça contribuera a me payer une nouvelle paire de pompes chez Vuitton…

Le graffiti t’intéresse t-il encore ? (comme acteur et comme spectateur)

Oui et non. Le graffiti classique me gave, autant que le street art. Y’a tout de même quelques mecs que j’apprécie, mais bon je ne passe pas mes journées dans les terrains vagues…

Tu as été directeur artistique de Nusign 2.4. Une expo à Paris regroupant près de 40 artistes « de la scène post-graffiti ». L’expo a permis à un certain nombre d’artistes d’exposer pour la première fois à Paris, a été salué par mal de monde mais aussi suscité certaines polémiques. C’est quoi ton bilan de cette aventure ?

Je n’ai pas été « directeur artistique » de Nusign2.4, je n’ai été qu’un simple consultant. Quel bilan ? en ce qui me concerne, rien de nouveau dans ma vie. Pour d’autres, issus de nulle part, mais possédant déjà un plan de carrière, cela leur a permis de rencontrer des gens et peut être de se zinguer sur d’autres plans. Chacun prend ce qu’il a à prendre…et plus t’as les dents longues et plus tu chopes !!


Certains pensent que tu as une position très ambigüe avec le commerce et les sponsors. Dans tes interviews tu prends souvent une posture très morale vis à vis de ton art. Mais comment gagnes- tu de l’argent, et si ton travail artistique te rapporte, ça n’interfère jamais avec celui ci ?


Je te remercie de me poser la question, il est vrai que je n’ai jamais vraiment eut l’occasion de m’exprimer sur ce point précis. Tout d’abord, il n’est pas question pour moi d’être « moraliste », je ne veux pas être celui qui donne des leçons et je n’ai pas la prétention d’avoir la vérité absolue. Ma position est très simple, (comme je te le disais un peu plus haut), je ne suis pas contre le fait de gagner de l’argent avec sa passion, ou son art. Je pense simplement que d’un point de vu « morale » ou « éthique », on ne peut pas faire tout et n’importe quoi.
Aujourd’hui, je pense que malheureusement le « street art » est en train de se faire bouffer par la « hype », et donc par le business. Je ne suis pas en accord avec cette nouvelle génération aux dents longues, prête a tout au nom du « fame ». Honnêtement, je ne vois pas l’intérêt d’une « exposition » de « sneakers customizées » par des « street artists », si ce n’est créer l’évènement pour une marque qui se fiche royalement de ce que tu fais et qui ne s’intéressera plus au phénomène lorsque que celui sera passé de mode. Ce qui me dérange le plus, c’est de se faire utiliser par ces grands groupes sous caution de soutien aux artistes. Tout cela ce n’est que du flan, les marques utilisent le post graff a des fins purement commerciales. Les artistes ne créent plus dans une optique purement artistique mais se plient aux exigences de l’employeur. Je ne refuse pas absolument de travailler avec les marques mais j’essaie de réfléchir à l’impact sur mon propre travail, et sur l’utilité à le faire. Je ne veux pas que l’argent modifie mon art. A une époque j’ai été tenté de faire tout et n’importe quoi, et j’ai fait des choses que je regrette. L’appel du fric et les articles dans les magazines transformaient considérablement ma vision du truc, je ne faisait pas de l’art, je décorais du produit. Aujourd’hui je veux exclusivement me focaliser sur mon art et sur ce que j’ai envie de dire sans penser a vendre absolument. Il m’arrive cependant de travailler avec certaines marques, mais je refuse de faire du gadget, je veux que chaque pièces soit en relation directe avec mon travail artistique. Il est vrai que je suis dans une situation délicate, je dénonce un truc auquel j’ai moi-même participé…


Avec Hnt et quelques amis vous semblez être une petite communauté partageant des valeurs esthétiques communes très éloignées du hip-hop : certaines marque de fringues, une attirance pour les pays de l’Est, pour les lieux abandonnés et difficiles d’accès…

En effet, j’avoue, je suis plus branché Rotterdam Terror Corps que le Wu Tang, je préfère Fred Perry à Karl Kani, je kiffe plus Adidas que Nike, j’adore le Champagne, bien plus que la piquette, je me marre davantage dans les fêtes de Colette qu’au Nouveau Casino, je préfère quand ça brille plutôt que quand ça pue… quoique j’aime bien quand ça pue un peu quand même !


Liza n'Eliaz, Manu le Malin , les Spiral Tribe ou… le Flamenco ?

Dure question…chacun de ces noms correspond a une époque de ma vie . Mais si je devais faire un choix, sans hésiter je dirais Liza n’Eliaz, pour ses set de dingue et une époque révolue. Rest in peace Liza.


D’après toi quelle est la prochaine personne que je devrais interviewer sur ekosystem ?

Tu devrais interviewer un mec qui rentre dans le lard, quelqu’un en marge, qui s’en branle d’être politiquement correcte…Un mec capable de dire ce qu’il aime et ce qu’il n’aime pas dans le post graff sans se soucier des plans qu’il risque de rater parce qu’il a craché sur tel ou tel street artist…

Et là on risque de se poiler !!


Le mot de la fin ?

NO HAPPY SHIT !



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ekosystem.org :: Octobre 2004
Animation photo codée par v3ga avec Processing.
Merci à Stak de s'etre prêté jeu des questions + à G, Influenza, Snob, Pork et les autres pour les propositions de questions + Céline & v3ga pour m'avoir aidé à traduire en Anglais.